BRIN D’ HERBE A MERINDOL
Le lundi 30 novembre, balade à Mérindol au lieu dit "la Garrigue" . Surprise! dans la forêt sèche méditerranéenne les asperges sauvages repoussent sous les pins d'Alep et les chênes verts refleurissent ! Au sol des tapis de pâquerettes d 'automne , cette fois ci, ce n'est pas une confusion de saison, il s'agit d'une des rares stations du Vaucluse de bellis sylvestris .
Dans les clairières, de nombreux bébés chardons Marie (Silybum marianum) repoussent: d'après la légende, les tâches laiteuses sur les feuilles sont les marques de quelques gouttes de lait tombées du sein de Marie lorsqu'elle cacha Jésus pour le soustraire aux persécutions d'Hérode. La plante était connue pour son rôle alimentaire: les jeunes pousses et les feuilles tendres étaient préparées en salade, les racines et les capitules en légumes cuits. Elle a des vertus cholagogues et hépato protectrices, elle est utilisée dans les hépatites, les cirrhoses et dans l'intoxication à l'amanite phalloïde, à la base des aigrettes scintillantes, les graines noires,brillantes, sont anti hémorragiques, vasoconstrictives et anti hypotensives.
Nous rencontrons le fragon ( Ruscus aculeatus), le rouvet (Osyris alba), la germandrée petit chêne (teucrium chamaedrys) retirée du marché en 1992 car elle contient des alcaloïdes qui la rende hépatotoxique à forte dose. Le sedum nicaense qui désaltère le promeneur qui le grignote en passant, le calament népéta que l'on sent avant de le voir ! C' est une bénédiction dans la ratatouille, les aubergines...Sur une butte au soleil, la rue à feuilles étroites, plante à odeur caractéristique et aux nombreuses vertus médicinales et magiques.
Au moment ou nous apercevons les cultures de salades dans la plaine fertile de la Durance, les salades et légumes sauvages font aussi leur apparition le long du chemin: la laitue vivace (lactuca perennis), la laitue St Joseph (lactuca serriola), le laiteron maraîcher (sonchus oleraceus), en légume: le chénopode blanc (chenopodium album), la mauve (malva sylvestris), le plantain lanceolé (plantago lancéolata), le brocoli sauvage (lepidium draba), la consoude (symphytum officinale), parmi elles une plante à éviter si on veut éviter de courir: la mercuriale nommée "cagareleto" en provençe.
Le long du canal d'irrigation, les plantes du bord des eaux: renouée persicaire, bidens, salicaire, épilobe hérissée, lycope d'Europe, eupatoire chanvrine, la guimauve aux propriétés médicinales adoucissantes.
Un petit coup de nez en passant sur" l'herbe à saucisson "(teucrium polium) et "l'herbe à curry" (helichrysum stoechas) , histoire de se rappeler que la botanique se pratique aussi avec le nez !
Nous arrivons sur la digue qui borde la Durance au niveau de l'observatoire ornithologique du parc du Luberon, devant la retenue d'eau de Mallemort. Tout au long de la digue, le spartier (spartium junceum) appelé à tort "genêt d' Espagne" ; cette plante était utilisée dans l'antiquité pour la fabrication des voiles de navire; jusqu'au XIXème sciècle il est ramassée dans la région de Lodève, il sert à la fabrication de draps, de serviettes, de chemises que l'on qualifie d'inusables. Les graines du spartier sont vénéneuses, l' empoisonnement du bétail qu’elles provoquent est appelé "ginestade" en Languedoc.
Le romarin (rosmarinus officinalis) en pleine floraison nous rappelle que la reine Isabelle de Hongrie a utilisé l'alcoolat de romarin (eau de la reine de Hongrie) , véritable panacée qui lui permit de guérir de rhumatismes paralysants, de vieillarde ,goutteuse, infirme, elle a retrouvé ses 20 ans!
Tout le long de la digue, bonne récolte de coustelline (Reichardia picroïdes) feuilles glabres, glauques, charnues, croquantes, tendres, souvent tachées de lie de vin dans le sinus, diversement découpées, le limbe se prolongeant sur le pétiole,saveur exquise. Fleurs jaunes laissant après floraison un petit entonnoir sec. La touffe est vivace, on prélève les rosettes en les coupant au collet, laissant la touffe et surtout la racine intacte.
L'herbe au bâton, la chondrille (chondrilla juncea) repousse au pied des tiges sèches de l'été, son goût est doux et agréable. La petite pimprenelle au goût de concombre, de noix fraîche ou de petit pois frais va donner du goût à notre mesclun du jour. Nous rencontrons le badasson (plantago cynops) utilisé traditionnellement en Provence pour soigner les plaies infectées récalcitrantes. Tout le long de la digue on rencontre le pistachier térébinthe, de son écorce était extraite une résine à forte odeur : la térébenthine, ses fruits rouges attirent les oiseaux comme les fruits du figuier, du micocoulier,de l'aubépine, de la garance, du rouvet,du jasmin, du chèvrefeuille, du laurier-tin, plantes que l'on trouve ici en quantité entre la voie ferrée et le plan d'eau, les semeurs sont les oiseaux si nombreux en ce lieux !
Le robinier faux acacia est très présent le long de la Durance , originaire d' Amérique du Nord il envahit les bords de rivières, de voies ferrées , des villages, ses fleurs sont consommées surtout en beignets, mais ses graines sont purgatives.
Avant de remonter sur le plateau par un petit raidillon, le long d'un canal nous trouvons la prêle rameuse (equisitum ramossissimum) on en faisait de petits chignons appelés"coussaùdon",utilisés secs ou frais pour faire la vaisselle. (voir livre"les cueillettes de confiance" de Magali Amir) . Nous observons la verge d'or (solidago virga aurea), la guimauve, l'onagre (oenothera biennis) appelée "jambon du jardinier" pour sa racine charnue et rougeâtre très nourrissante, l'huile d'onagre est extraite des minuscules graines .Plus loin l'aristoloche et son fruit en forme de petit melon (aristolachia clematitis) , son jus frais était traditionnellement utilisé pour provoquer l'accouchement d'où son nom : aristos= excellent et lokia= accouchement, actuellement les recherches ont démontré que l'acide aristolochique est cicatrisant mais aussi cancérogène et toxique pour les reins.
En remontant , nous observons le filaire à feuilles étroites, un genévrier cade, nous traversons la garrigue composée ici de cistes cotonneux (certains refleurissent), de quelques cistes de Montpellier, de brachypode rameux "la baouco" herbe appréciée des moutons, les asters fleurissent, le romarin aussi, le chêne kermes est roi, c'est son domaine, il aime les sols compacts,calcaires, sa souche compacte lui assure survie après les incendies.
Le chêne kermès (quercus coccifera) que l'on distingue du chêne vert à ses feuilles glabres sur les deux faces et à ses gros glands à la cupule couverte d'écailles longues en pointes aigues rebroussées; doit son nom à un sympathique coccidé qui a choisi exclusivement ce chêne pour se développer, les larves se nourrissent du suc de l'arbuste et forment au printemps une petite boule à la surface de l'écorce, cette graine d'écarlate est bourrée de pigments qui délivrent une coloration rouge très pure: le vermillon. Un commerce se développe, les cueilleurs se laissent pousser les ongles pour mieux saisir les graines d'écarlate qui se vendent très cher, actuellement l'insecte tend à disparaître. Le nom occitan du chêne kermès : agarus a donné son nom à la garrigue, qui, à l'origine se trouve sur un terrain calcaire, rocailleux fortement marqué par l'activité humaine, dégradé par
la surexploitation,le pâturage intensif ou l'incendie. Actuellement, la garrigue évolue car elle n'est plus exploitée, sur les terrains calcaires des anciennes garrigues, on a une mosaïque composée de pelouses (brachypode, chardons, fleurs), de matoral (plantes ligneuses basses, chênes kermès, cistes, ajoncs, genêts, romarin)et de forêts (pin d' Alep, chênes verts)
Nous sommes sur le chemin du retour, une jolie rosette plaquée au milieu du chemin nous fait signe de la mettre dans notre panier, elle est si douce! C'est la salade sans nom (crepis boursifolia) arrivée du nouveau monde au siècle dernier dans des balots de laine.
Sous les cèdres les tartines de "chai" de genièvre sont appréciées de tous, la tisane de romarin est un peu trop corsée !